24 mars 2011

Après les épinards, le 235U-Vin ?

La catastrophe nucléaire japonaise réveille les consciences européennes et françaises quant au bien-fondé de l’énergie fissile, comme cela avait été le cas au lendemain de la catastrophe de Tchernobyl en 1986. L’inquiétude prend en France une ampleur toute particulière puisque nous possédons le parc nucléaire le plus étendu d’Europe avec plus de 58 réacteurs répartis sur tout le territoire, près de nos villes, de nos champs, et de nos vignes.
Outre les questions de vétusté du parc français, il convient de rappeler un incident tout à fait récent, ayant eu lieu au sein de la centrale du Tricastin, au cœur du vignoble des Côtes du Rhône, et ayant aujourd’hui encore des conséquences directes et indirectes sur celui-ci.


Le site nucléaire du Tricastin est implanté à la limite des départements de la Drôme et du Vaucluse, sur le territoire des communes de Pierrelatte, St-Paul-3-Châteaux et Bollène. Dans la nuit du 7 au 8 juillet 2008, une erreur de tuyauterie a mené au débordement d’une cuve et à la fuite de plus de 70kg d’uranium naturel 235U* dans le sol, les rivières avoisinantes puis le Rhône lui-même. Cette pollution devant être ajoutée à plus de 700kg de déchets radioactifs enfouis à même le sol et retrouvés aux abords de la centrale, à proximité de terrains agricoles.
Je suis tombée dimanche dernier après midi (20/03) sur un reportage de l’émission 66 minutes de M6 appelé « Ils habitent près d’une centrale »*. Le reportage commence auprès d’un viticulteur venu s’installer dans la région pour la qualité de son climat et de ses sols, sur l’appellation Côteaux du Tricastin. Suite à des analyses son domaine est exempt de traces radioactives, comme la plupart (et heureusement) des domaines environnants. Cependant, le reportage se poursuit chez un agriculteur plus proche de la centrale, qui subit encore aujourd’hui en 2010 des taux de radioactivité dangereux dans l’eau qu’il tire de la nappe phréatique. Ces taux ne semblent pas baisser comme l’avaient prévu les autorités, et il est obligé de se faire livrer des containers d’eau potable par la mairie afin de pouvoir arroser ses champs, abreuver ses bêtes et pour son eau courante.


On ne parle plus aujourd’hui de cet incident, classé par l’autorité de sûreté nucléaire au niveau 1 de l’échelle de gravité sur une échelle de 0 à 7. La situation demeure cependant inquiétante pour l'exploitation de cet agriculteur et pour sa santé, mais également pour cette nappe phréatique risquant de polluer tout l’écosystème alentour.
Les vignerons des Côteaux du Tricastin, appellation née en 1973, ont vu le complexe s’installer dès l’année suivante, et subissent depuis une réputation négative injustifiée. L’incident de 2008 a précipité les choses, et le 9 juillet 2010 l’INAO* les a autorisés exceptionnellement, deux ans après leur demande, à changer le nom de l’appellation en « Grignan-Les Adhémar », à compter du millésime 2010.



Malgré une série d'analyses démontrant l'absence de radioactivité suspecte dans le vignoble, l'appellation a perdu 40% de son volume en deux ans et les arrachages de vignes ont atteint 600 hectares en 4 ans, laissant 2.100 hectares pour l'AOC. C’est le constat navré d’Henri Bour (interviewé sur vitisphère), président de l’appellation, et propriétaire du Domaine de Grangeneuve, dont j’ai dégusté les Terre d’Epices 2006 (Syrah, Grenache) et Cœur de Grenache 2006 dernièrement lors d’un passage dans le sud. De vrais bouquets de soleil parfaitement équilibrés, amples et puissants, soyeux aux notes épicées de réglisse, de violette, de girofle… de vrais moments de bonheur sur une viande rôtie aux herbes ou un osso bucco.


Même pas peur !

Vinicity.

* L’uranium naturel 235U est moins radioactif que l’uranium enrichi
*la possibilité de revoir l’émission sur M6 Replay est malheureusement temporaire (une semaine je crois).
*Institut National (des appellations) d’origine et de la qualité.

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