31 mars 2011

"1855" vers un leadership de la vente de vin en ligne

En 2009, l'entreprise 1855, site de vente de vin en ligne nommé en référence au classement des crus bordelais sous Napoléon III, était en très mauvaise passe. Malgré une part de marché majeure sur la vente de vin en ligne, notamment due à une image à forte valeur ajoutée et à une spécialisation dans les grands crus, le chiffre d'affaires de 1855 subit une chute vertigineuse.


La faute/grâce à ce merveilleux outil de communication qu'est le web, et plus particulièrement aux forums de consommateurs. En effet, les retards répétés dans les livraisons aux clients d'une part, et d'autre part les plaintes de producteurs recevant des commandes venues de nulle part et sans réservation (sans même une prise de contact préalable du distributeur), ont achevé de ruiner la réputation de ce géant du e-commerce qui promet le "plus grand choix de vins sur internet".
Quelques années, une application i-phone et une levée de capital de 9 millions d'euros plus tard, 1855 est de nouveau leader sur le marché. Après avoir rétabli la confiance de ses clients par une communication one-by-one avec les insatisfaits, les dirigeants ont investi ces nouveaux fonds dans une logistique plus assurée et adaptée à la taille de l'activité.


Preuve de ce regain de santé économique, l'entreprise a acquis en 2010 le site de vente privée CavePrivée.com, créé en 2006 et ayant réalisé 3,1 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2009/2010, avec ses 60 000 membres dont 8 000 clients. 


Aujourd'hui, 1855 vient de racheter son concurrent et leader ChateauOnline ainsi que son fichier de 100 000 clients et 700 000 amateurs de vin. Le président de 1855Emeric Sauty de Chalon, prévoit que les deux sociétés devraient réaliser aux alentours des 20 millions d'euros de vente cette année et augmenter encore leur rentabilité.
C'est tout le mal qu'on leur souhaite, puisqu'en 2010 encore, 1855 affichait un résultat net négatif de -73 000.

Vinicity 

29 mars 2011

Un voyage First Class pour les Grands Crus

Élever le raisin, se battre contre les éléments, garder un œil sur le ciel un autre sur la terre. Presser le raisin, récolter le nectar, surveiller les fermentations au degré près, laisser ensuite les arômes se développer dans des barriques de bonne taille, de bon bois, du bon âge… une attention de chaque instant, à la manière d'une œuvre d’art, de précision, d’autant plus lorsqu’il s’agit de vins de haute qualité.
Une fois la cuvée mise en bouteilles, celles-ci vont être envoyées dans des caisses et des palettes dans toutes les régions de France et du monde, par route et par bateau. Durant ce transport, le vin sera exposé à des températures qui ne correspondront pas forcément à la conservation optimale d’un vin d’exception (entre 10°c et 20°c).


L’entreprise E-Provenance, lancée par l’américain Eric VOGT, s’est attaquée à ce problème en créant le concept de la « Fine Wine Cold Chain » (chaîne du froid des vins fins) en utilisant une nouvelle technologie : des puces RFID (Radio Frequency Identification) positionnées dans certaines caisses, et qui enregistrent à intervalles réguliers la température ambiante, et dont les données sont ensuite extraites et transmises aux techniciens de E-Provenance qui en feront une analyse.
Deux exemples de courbes de températures :

Courbe acceptable 

Courbe problématique.

Selon des études faites par cette société, près de 9% des transports de vin entre Europe et Etats-Unis subissent des températures supérieures à 28°C, près de 7% supérieures à 30°C et 2% pendant plus de 18 heures.
Ces problématiques de transport concernent évidemment les producteurs, qui voient leur production dévaluée et abîmée. Les importateurs sont également victimes de cet état de fait, puisqu’ils paient le prix fort pour des vins de qualité, sont au contact direct des consommateurs finaux insatisfaits, et ont la plupart du temps le coût du transport à leur charge.
C’est pourquoi l’entreprise a lancé des « Groupements d’Actions Collectives », réunissant l’ensemble des acteurs de la chaîne de distribution pour auditer les circuits de distribution et en identifier les axes d’amélioration. Ainsi les transporteurs eux-mêmes, à mesure que les audits se multiplieront, auront intérêts à améliorer leurs prestations en ce sens afin de garder leur clientèle.


E-Provenance s’est installé en France depuis 2008 et compte déjà des partenaires et clients dans les régions viticoles les plus prestigieuses. En pleine politique de développement et de démarchage, il faut s'attendre à entendre de plus en plus parler de ce système en France, notamment chez les gros exportateurs.
Il paraît également logique et vraisemblable que l'appartenance de certains châteaux/domaines/négociants à ces groupements fasse à l'avenir l'objet d'un label ou d'un sigle apposé sur les bouteilles et certifiant la qualité optimale de leur transport jusqu'à destination.

Voici un nouvel axe de marketing qualitatif à ne pas négliger dans la défense de nos exportations de vins français de qualité.

Vinicity

25 mars 2011

Un matin d'hiver dans la cuisine de l'Apicius

L’année passée, j’ai eu la chance, dans le cadre du MBA Food and Wine Marketing, de rencontrer le chef étoilé Jean-Pierre Vigato. Il a accueilli très gentiment la promotion (15 personnes) dans les locaux de l’Apicius dans le 8ème arrondissement de Paris et a répondu à toutes nos questions. Il nous a ensuite invités, en petits groupes, à passer une journée dans les cuisines de son 2 étoiles.


Je me rappelle encore ce jeudi de décembre 2009 : il neigeait à Paris, l’ambiance était feutrée, la magie des fêtes approchait, l’hiver nous montrait son plus beau visage.
Nous étions trois à 9h ce matin-là, dont La Petite Madeleine, à entrer en cuisine comme des enfants dans la chocolaterie de Willy Wonka… Des produits magiques, des techniques impressionnantes, un accueil hyper chaleureux! 


Nous avons eu la chance de mettre un peu la main à la patte, au garde-manger et au montage des amuse-bouches, où nous avons été coachées par une équipe de chefs hyper patients et passionnés, qui nous ont fait un peu de place et répondaient avec plaisir à nos innombrables questions. Malgré notre bonne volonté, il n’y avait jamais un endroit où on ne gênait pas … Chaud ! 
Nous avons fini par redevenir simples spectatrices à mesure que l’heure du coup de feu approchait, à notre plus grand plaisir puisqu’après nous avoir expliqué en détail chaque recette, les chefs nous faisaient goûter quelques plats en passant. Je me rappelle de ce velouté d’haricots tarbais à la truffe, agrémentée de quelques gouttes d’huile de basilic… à boire à la paille !! 





Quelques techniques à retenir absolument :
·         Pour un risotto aux truffes sans y faire passer une moitié de truffe : conserver vos truffes noires ou blanches dans un papier léger ou papier absorbant, au milieu de votre riz à risotto. De simples brisures suffiront à agrémenter le risotto déjà parfumé. Idem pour les œufs, dont la coquille poreuse absorbe les saveurs environnantes.
·         Pour une tarte à la praline : une dose de praline pour une dose de crème fraîche, à fondre dans une casserole en cuivre, sur une pâte sablée faite maison… tant pis pour le régime !
·         Pour nettoyer et bien assécher un grill, faire chauffer du gros sel dessus à sec.
·         Pour une émulsion légère et nuageuse, bien fouetter à  la main, puis utiliser un blender à soupe en surface pour mélanger à l’air et créer une couche mousseuse à la surface.
·         Pour un carpaccio de saint jacques ou de langouste très fin, congeler les chairs et les couper lorsqu’elles sont encore solides, la décongélation se fera rapidement à l’assiette.
·         Pour qu’un soufflé monte bien, on beurre les moules de bas en haut.
·         … et sûrement d’autres que j’ai oubliées et que je partagerai évidemment si elles me reviennent !

La recette du soufflé au caramel, léger et pas trop sucré. Un régal que je n’oublierai pas de sitôt.
(recette enregistrée avec autorisation du chef pâtissier!!) :

Pour 15 soufflés à peu près
Ingrédients :
1 litre de lait
250g + 100g de sucre
12 œufs qu’on sépare en blancs et jaunes
120 grammes de poudre à flan.
Du caramel ou de l’arôme de caramel (ou tout autre saveur de votre choix).

Etapes :
Faire bouillir le lait.
Pendant ce temps-là on casse les œufs
On blanchit les jaunes avec le sucre
On ajoute les 120 grammes de poudre à flan ou de farine ou de maïzena
On rajoute un louche de lait bouillant puis on déverse dans la casserole de lait et on fait bouillir en fouettant jusqu'à ce que cela épaississe = crème pâtissière
On aromatise à ce que l’on veut, ici au caramel fait maison ou à l’arôme de caramel. En ce moment l’Apicius sert le soufflé au chocolat. La recette est à décliner à l’infini !
On bat les blancs d’œufs en neige avec 100g de sucre = une meringue légère.
On l’incorpore délicatement à la crème, puis on verse dans un ramequin assez haut, beurré de bas en haut (pour bien que ça monte) et sucré (pour que ça caramélise un peu), jusqu’ 2 cm du haut (le soufflé monte par définition, donc il faut éviter qu’il déborde de trop et s’affaisse).
On cuit ensuite 10 minutes à 200 degrés. Je ne sais pas si c’est à chaleur tournante ou au four traditionnel, j’opterai pour la seconde solution pour une cuisine étoilée.
Saupoudrer au dernier moment d'une pointe de sucre glace.

Voici enfin quelques clichés pour rêver un peu…

Je n'ai jamais vu autant de truffes, ni d'aussi belles!




Le chef est en place!

Entrée de la mer: huîtres, langoustines 
et saint jacques, gelée fondante d'eau de mer.

Tempura de langoustines,
 bâtonnet croquant et coulant au beurre de basilic.


Tartare de langoustine

De quoi faire rêver les amateurs de ris de veau!

Queues de homard

Dos de Saint-Pierre à l'unilatérale

Araignée de mer avec son émulsion, revisitée dans sa coque

Carpaccio de homard aux herbes fraîches

Homard poêlé sur lit de verdure, corail compoté

Langoustines rôties, coeur d'artichaut violet et
jeunes fèves.


Suprêmes de pamplemousse rose sur 
crème pâtissière à la vanille.

Dôme de caramel en dentelle

Le site internet de l’Apicius donne également quelques recettes "mythiques", ce que je trouve très généreux car après tout le goût appartient à tout le monde !

Vinicity.

24 mars 2011

Après les épinards, le 235U-Vin ?

La catastrophe nucléaire japonaise réveille les consciences européennes et françaises quant au bien-fondé de l’énergie fissile, comme cela avait été le cas au lendemain de la catastrophe de Tchernobyl en 1986. L’inquiétude prend en France une ampleur toute particulière puisque nous possédons le parc nucléaire le plus étendu d’Europe avec plus de 58 réacteurs répartis sur tout le territoire, près de nos villes, de nos champs, et de nos vignes.
Outre les questions de vétusté du parc français, il convient de rappeler un incident tout à fait récent, ayant eu lieu au sein de la centrale du Tricastin, au cœur du vignoble des Côtes du Rhône, et ayant aujourd’hui encore des conséquences directes et indirectes sur celui-ci.


Le site nucléaire du Tricastin est implanté à la limite des départements de la Drôme et du Vaucluse, sur le territoire des communes de Pierrelatte, St-Paul-3-Châteaux et Bollène. Dans la nuit du 7 au 8 juillet 2008, une erreur de tuyauterie a mené au débordement d’une cuve et à la fuite de plus de 70kg d’uranium naturel 235U* dans le sol, les rivières avoisinantes puis le Rhône lui-même. Cette pollution devant être ajoutée à plus de 700kg de déchets radioactifs enfouis à même le sol et retrouvés aux abords de la centrale, à proximité de terrains agricoles.
Je suis tombée dimanche dernier après midi (20/03) sur un reportage de l’émission 66 minutes de M6 appelé « Ils habitent près d’une centrale »*. Le reportage commence auprès d’un viticulteur venu s’installer dans la région pour la qualité de son climat et de ses sols, sur l’appellation Côteaux du Tricastin. Suite à des analyses son domaine est exempt de traces radioactives, comme la plupart (et heureusement) des domaines environnants. Cependant, le reportage se poursuit chez un agriculteur plus proche de la centrale, qui subit encore aujourd’hui en 2010 des taux de radioactivité dangereux dans l’eau qu’il tire de la nappe phréatique. Ces taux ne semblent pas baisser comme l’avaient prévu les autorités, et il est obligé de se faire livrer des containers d’eau potable par la mairie afin de pouvoir arroser ses champs, abreuver ses bêtes et pour son eau courante.


On ne parle plus aujourd’hui de cet incident, classé par l’autorité de sûreté nucléaire au niveau 1 de l’échelle de gravité sur une échelle de 0 à 7. La situation demeure cependant inquiétante pour l'exploitation de cet agriculteur et pour sa santé, mais également pour cette nappe phréatique risquant de polluer tout l’écosystème alentour.
Les vignerons des Côteaux du Tricastin, appellation née en 1973, ont vu le complexe s’installer dès l’année suivante, et subissent depuis une réputation négative injustifiée. L’incident de 2008 a précipité les choses, et le 9 juillet 2010 l’INAO* les a autorisés exceptionnellement, deux ans après leur demande, à changer le nom de l’appellation en « Grignan-Les Adhémar », à compter du millésime 2010.



Malgré une série d'analyses démontrant l'absence de radioactivité suspecte dans le vignoble, l'appellation a perdu 40% de son volume en deux ans et les arrachages de vignes ont atteint 600 hectares en 4 ans, laissant 2.100 hectares pour l'AOC. C’est le constat navré d’Henri Bour (interviewé sur vitisphère), président de l’appellation, et propriétaire du Domaine de Grangeneuve, dont j’ai dégusté les Terre d’Epices 2006 (Syrah, Grenache) et Cœur de Grenache 2006 dernièrement lors d’un passage dans le sud. De vrais bouquets de soleil parfaitement équilibrés, amples et puissants, soyeux aux notes épicées de réglisse, de violette, de girofle… de vrais moments de bonheur sur une viande rôtie aux herbes ou un osso bucco.


Même pas peur !

Vinicity.

* L’uranium naturel 235U est moins radioactif que l’uranium enrichi
*la possibilité de revoir l’émission sur M6 Replay est malheureusement temporaire (une semaine je crois).
*Institut National (des appellations) d’origine et de la qualité.